Etienne Renzo a débuté cette nouvelle série en photographiant ses potes Punks lors de rassemblements festifs d’art forain comme « La Grosse Entube ». Le photographe connaît bien le mouvement Punk qu’il a vu naitre dans les années 70, partageant alors certaines de ses révoltes et valeurs face aux inégalités économiques, sociales et culturelles. Il a ensuite grandi avec le Punk, restant attentif à ses développements, notamment en milieu rural où il a lui-même choisi de vivre un certain rapport au monde. Un rapport auquel participe cette nouvelle série de portraits-entretiens photographiques qui est en cours de développement pour aboutir à un processus d’exposition et de publication en 2025.
Des valeurs toujours d’actualité
Dès ses débuts dans les années 1976-1980, le Punk feint la bêtise et revendique un certain « analphabétisme culturel » qui contraste avec la puissance d’agir qu’il recèle. Identifié dans l’imaginaire collectif à une esthétique et à un genre musical iconoclaste, le Punk est aussi un mouvement contestataire, porteur de valeurs politiques et sociales, allant de l’anti-autoritarisme au « do-It-Yourself ». Le punk a évolué en même temps que les fractures sociales qu’il n’a cessé de dénoncer. C’est pourquoi il est toujours d’une actualité assez vivace. Pour ne pas dire d’une certaine utilité critique à l’heure de l’individualisme généralisé et de l’oubli des grandes causes collectives.
Punk des villes, punk des champs
Plutôt d’origine urbaine, le mouvement Punk est loin d’avoir disparu du paysage. En particulier du paysage rural où la culture Punk est de plus en plus présente et durable. Cela n’est pas étranger au phénomène des ZAD et autres modalités de concentrations. Les punks sont toujours aux avant-postes avec un double visage que sait bien saisir Etienne Renzo. Avec d’un côté une dimension joviale, bienveillante. Fête oblige ! La fête comme instance déconnante et rituelle, comme système de subversion des signes et de communion collective. Et de l’autre des engagements correspondants à des choix de vie radicaux et par certains aspects visionnaires au regard des problématiques de décroissance et d’anti-consumérisme, voire même de solidarité et d’entraide. À la ville comme aux champs. C’est aussi la dimension nomade du punk qui peut se sédentariser en posant son camion ou sa roulotte dans un bois, une friche ou une arrière cour de ferme. Ou même, pour certains, acheter un terrain, qui permettra tout en continuant de vivre en camion ou caravane, d’y créer un collectif de vie.
Des portraits-entretiens photographiques
L’approche d’Etienne Renzo consiste ici à montrer toute l’humanité et toute l’actualité de ces engagements individuels et collectifs. De manière aussi à transmettre leur message en témoignant d’une réalité culturelle et sociale dont l’invisibilité est, pour la majorité, désirée et recherchée. En quelque sorte une disparition des radars de la société, disparition comme option radicale et logique pour notre époque, et non pas comme un désastre ou la mort d’un projet social, puisque le leur est bien différent.
C’est cet effacement volontaire qui limite à quelques rares familiers la possibilité de sillonner leurs collectifs et lieux de vie en les photographiant, ce qui rend ces images d’autant plus précieuses.
La démarche d’Etienne Renzo consiste à leur redonner une véritable présence, mais aussi la parole à travers ce qu’il nomme des «entretiens photographiques». Son projet consiste à réaliser des séries de portraits-entretiens photographiques réalisés en situation dans leur milieu habituel, destinés à être exposés et publiés. Les messages sont recueillis sous forme d’entretiens flash sur la base de quelques questions tirées au sort d’un jeu de cartes conçu spécialement pour l’occasion. Comme pour la bonne aventure. L’échange et les propos sont enregistrés dans l’instant avant d’être retranscrits. Sans être particulièrement associés aux portraits photographiques qu’Etienne Renzo réalise conjointement des interviewés dans leur environnement quotidien d’habitation, de travail, ou de loisir.
Un tour de France du Punk pour une exposition itinérante
L’intégration d’Etienne Renzo dans le milieu Punk lui permet d’avoir accès à un grand nombre de communautés constituées dans les réseaux plutôt non citadins. Ce qu’il étendra potentiellement au contexte urbain à travers différents squats ou communautés qu’il envisage de visiter également. Etienne Renzo a commencé sa quête depuis bientôt trois ans, et va la poursuivre par une visite des quatre grandes régions de France.
L’objectif est de réaliser des séries d’entretiens restitués en couleur ou en noir et blanc, du Sud au Nord et d’Est en Ouest. Le projet est d’en réaliser les premières expositions itinérantes en 2025 afin d’agréger des partenariats pour publier cette quête elle aussi nomade.
Le travail de post-production photo et textes se fera au fur et à mesure des interviews. Il mettra en œuvre une variété de tirages et de supports accordés aux sites d’exposition. L’objectif est donc de trouver des lieux partenaires susceptibles de soutenir et de diffuser le travail et les photographies qui en résulteront, par exemple sous la forme d‘un livre à venir rassemblant les textes et les images.
Pour une photo punk !?
La sortie d’un ouvrage collectif, « Penser avec le Punk »* coordonné par la critique musicale et philosophe française Catherine Guesde a donné à Etienne Renzo la conviction qu’il fallait qu’il poursuive son projet. À l’image du livre, qui ne cherche pas « à convertir cette sous-culture subversive en système philosophique », les entretiens photographiques d’Etienne Renzo visent plutôt à étendre le champ d’action du Punk au domaine de la photographie elle-même. Par exemple, en montrant également « les liens féconds du punk avec l’éthique animale, l’écologie profonde, le féminisme, ou de manière plus inattendue, la spiritualité». Et pourquoi pas pour expérimenter une convergence de ces luttes dans une Photographie Punk qui reste à inventer ? Punk is not dead !
*Penser avec le punk» Catherine Guesde - PUF 2022